L’attrait des régimes d’options d’achat d’actions (ROAA) est indéniable : en liant les gains des cadres à l’augmentation du cours des actions de la compagnie, un ROAA offre un mode de rémunération flexible doublé d’un programme d’intéressement à long terme.
Or, est-il licite de stipuler qu’un employé perd tous ses droits à l’égard des actions pour lesquelles il n’a pas encore levé son option si le lien d’emploi est rompu pour quelque motif que ce soit? C’est la question à laquelle devait répondre la Cour d’appel dans Loi canadienne sur les sociétés par actions (L.C.S.A.) en opposant la clause en question à M. Dollo suite à sa fin d’emploi.
A. Rappel factuel
M. Dollo est un cadre supérieur de Premier Tech, embauché en 1999 à titre de vice-président des finances et promu président de la filiale Premier Horticulture en 2004. En 2007, à l’occasion de son processus de privatisation, Premier Tech abolit le ROAA en place et en implante un nouveau. La clause 8.01.2 du nouveau ROAA prévoyait que tout participant perdait ses options d’achat d’actions à la cessation de son emploi, peu importe qu’il soit congédié avec ou sans motifs sérieux. La clause laissait toutefois au conseil d’administration de Premier Tech la discrétion d’en « décider autrement ».
Suite à la privatisation, M. Dollo détient alors 60 000 options et 10 000 actions suite à l’exercice d’une portion de ses options.
Au printemps 2010, alors que la filiale qu’il présidait sous-performait, Dollo discute avec les principaux dirigeants de Premier Tech des conséquences de la clause 8.01.2. Ces derniers le rassurent que les options d’achat accumulées à ce jour lui sont acquises : « ce qui est gagné est gagné ». Or, lorsque Dollo est congédié en août 2010, ses actions sont rachetées, mais le conseil d’administration de Premier Tech refuse de lui permettre d’exercer ses options lui opposant la clause 8.01.2 du ROAA.
B. Décision de la Cour d’appel
La clause 8.01.2 n’est pas abusive
La clause n’est pas d’abusive en soi, car elle accorde au conseil d’administration de Premier Tech la discrétion de passer outre la clause dans des cas où son application stricte pourrait causer des iniquités.
La Cour déclare également que le juge de première instance n’aurait pas dû retenir une preuve d’expert selon laquelle l’inclusion d’une clause telle la clause 8.01.2 diverge de la pratique courante et des normes de l’industrie. La Cour d’appel juge qu’une telle preuve est aléatoire et impertinente : une clause généralement utilisée n’est pas de ce fait licite, de la même manière qu’une clause inhabituelle n’est pas automatiquement illicite et abusive.
La conduite des dirigeants de Premier Tech était oppressive
La Cour d’appel rappelle que le recours en oppression prévu à l’article 241 L.C.S.A. a une large portée et vise non seulement la fraude, la mauvaise foi ou l’illégalité, mais également les injustices découlant d’abus de droit et de violations des attentes légitimes des actionnaires.
La Cour d’appel conclut que Dollo a été faussement rassuré par les dirigeants de Premier Tech que ses options pourraient être exercées sans problème advenant la rupture de son lien d’emploi. La Cour d’appel accepte également l’affirmation de Dollo que n’eut été de ces promesses, il aurait exercé ses options avant son congédiement.
La Cour conclut donc que Dollo était en droit de s’attendre à pouvoir exercer ses options même s’il en venait à être congédié. Considérant cette attente légitime, le conseil d’administration avait le devoir d’intervenir et de ne pas appliquer la règle de la clause 8.02.1 du ROAA. En refusant d’exercer sa discrétion à cet effet, le conseil d’administration a agi de manière oppressive et injuste à l’endroit de Dollo.
C. À suivre…
À la lecture de cette décision de la Cour d’appel, la question demeure entière à savoir si la décision aurait été la même n’eut été du fait que la clause litigieuse donnait la discrétion au conseil d’administration de l’écarter. Il sera intéressant de voir si la décision de la Cour d’appel sera portée en appel devant la Cour suprême et si des clauses semblables, mais qui ne laissent aucune discrétion au conseil d’administration quant à son application, seront déclarées valides par les tribunaux à l’avenir.
Tina Aswad et Antoine Champagne, Stikeman Elliott LLP
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