Il est très commun d’envoyer et de recevoir des courriels après les heures de travail. Soit parce que c’est urgent ou parce qu’on veut être efficace ou parce qu’on se sent obligé de le faire. Dans tous les cas, il s’agit d’un travail continu. Les lignes entre le temps personnel et le temps de travail sont devenues de plus en plus bafouée causant ainsi un impact sur la santé mentale et menant à plusieurs cas d’épuisement professionnel.
En 2021, près du tiers (32 %) des travailleurs canadiens se disent susceptibles de déclarer un épuisement professionnel et près de la moitié des entreprises (47 %) considèrent l’épuisement professionnel comme un défi important, selon un sondage de Sage Canada>[1]. C’est la préoccupation des employeurs la plus commune en ce qui concerne leurs employés. Cette proportion est encore plus élevée dans le secteur de la santé, le secteur public et les organismes sans but lucratif (60 %) et parmi les entreprises dont la grande majorité des employés travaillent à domicile (55 %).[2]
Depuis le début de la pandémie, bien des travailleurs ont découvert la flexibilité qu’offre le télétravail, mais ils s’aperçoivent également qu’il est plus difficile de décrocher du boulot lorsque le bureau est à la maison.[3] La pandémie a brouillé les frontières entre vie personnelle et travail, qui étaient déjà mises à mal par la présence grandissante de la technologie dans nos vies. Le sentiment d’être constamment au travail est plus présent que jamais chez les employés. Or, la loi n’est pas équipée pour répondre à cette réalité.[4]
Il est donc temps d’adopter une loi au Québec pour donner la chance aux employés de se déconnecter sans le sentiment de culpabilité.
Un projet de loi a été présenté à l’Assemblée nationale du Québec (Projet de loi 492, Loi sur le droit à la déconnexion) et a pour objet d’assurer le respect du temps de repos des salariés en introduisant une obligation pour un employeur d’adopter une politique de déconnexion en dehors des heures de travail. Ce projet de loi prévoit que tout employeur doit établir une politique de déconnexion en dehors des heures de travail applicable à l’ensemble de ses salariés. Il précise que cette politique doit notamment déterminer les périodes durant lesquelles un salarié a droit d’être coupé de toute communication relative à son emploi sur une base hebdomadaire et prévoir un protocole d’utilisation des outils de communication en dehors des heures de travail. Pour les employeurs de 100 salariés ou plus, cette politique de déconnexion en dehors des heures de travail est élaborée par un comité dont la moitié des membres représentent les salariés. Quant aux employeurs de moins de 100 salariés, cette politique est élaborée par l’employeur et approuvée par la CNESST. Pour assurer la conformité, ce projet de loi comporte également des dispositions pénales.[5]
Une modification de la Loi sur les normes du travail est donc demandée afin que les employeurs respectent le droit de leurs employés de ne pas répondre à un texto, à un courriel ou à un appel en dehors des heures prévues de travail.[6]
L’Ontario a adopté une loi sur la déconnexion le 2 décembre 2021 obligeant les employeurs de 25 employés et plus de se procurer d’une politique sur la déconnexion. Il est à noter que la loi ontarienne ne donne pas le droit automatique à un employé pour se déconnecter.
Des pays comme la France ont déjà légiféré sur le droit à la déconnexion. Depuis 2017, les entreprises françaises sont obligées de protéger le droit des travailleurs de décrocher du travail[7]. Le gouvernement fédéral est en train de réviser les dispositions du Code canadien du travail. Il considère que le mode de travail tel que conçu actuellement pourrait compromettre la conciliation travail-vie personnelle. De plus, si un employé répond aux communications liées au travail après les heures de travail, le temps qu’il y consacre n’est souvent pas considéré comme des heures de travail. Le gouvernement a mis sur pied le Comité consultatif sur le droit à la déconnexion. Ce comité tient des rencontres depuis le mois d’octobre 2020 à ce sujet.[8]
Il reste à savoir si cette obligation va créer des inégalités car le type de travail n’est pas le même pour tout le monde ni les heures de travail.
Un changement de culture est nécessaire dans nos milieux de travail. Les employeurs doivent se demander si le texto à 23h ou le courriel le dimanche matin est vraiment nécessaire. La réalité est peut-être différente d’un milieu de travail à l’autre, mais il y a une chose qui est pareille partout : le besoin des employés de tirer la plogue après leur journée de travail.[9]
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[1] Sage Canada et la firme Angus Reid ont interrogé 775 chefs d’entreprise et 1569 travailleurs canadiens dans le cadre de ce sondage en ligne, mené du 22 au 26 mars 2021. Les marges d’erreur pour ces deux échantillons représentatifs sont respectivement de 3,5 % et de 2,5 %, 19 fois sur 20.
[2] L’épuisement professionnel : le grand défi des employeurs en 2021, Article par Philippe de Montigny, publié le 28 avril 2021
[3] Droit à la déconnexion : Québec solidaire déposera un projet de loi, Article par Valérie Gamache, publié le 3 juin 2020, sur le site de Radio-Canada
[4] Droit à la déconnexion – « Les travailleurs ont le droit de tirer la plogue! » Alexandre Leduc, 3 juin 2020, 10 h 47, Publié par : Aile parlementaire de Québec solidaire
[5] Note explicative du Projet de loi 492, présenté à l’Assemblée nationale du Québec, 1ère session, 42e législature, Éditeur officiel du Québec 2020, p. 2
[6] Voir note 4
[7] Id.
[8] Document d’information : Le « droit à la déconnexion », Site du Gouvernement du Canada
[9] Voir note 4
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