Dans Meloche c. Structures Lamerain inc., la Cour d’appel a confirmé la décision de la Cour supérieure d’accorder des dommages moraux, en plus d’une indemnité tenant lieu de délai de congé, à 2 employés congédiés de manière abusive.
Dans cette affaire, Alain et Yvan Meloche (les « Meloche ») ont vendu 80 % des actions de leur entreprise familiale, Structures Lamerain inc. (« Structures »), à 9007-7520 Québec (« 7520 Québec »), une société contrôlée par Kathleen, Yannick, Sébastien et Guillaume Gardner (les « Gardner »).
La vente a été consentie par les Meloche à la condition que Structures les engage pour une durée d’au moins 3 ans pour continuer la gestion de l’entreprise. De plus, le protocole d’entente (« PE ») prévoyait que les Meloche seraient engagés au salaire annuel de 85 000 $, avec un boni annuel jusqu’à concurrence de 30 000 $, conditionnel à l’atteinte par Structures de sa cible de profits, ainsi qu’un droit à une indemnité de congé équivalente à 12 mois de salaire en cas de congédiement sans cause. En outre, le PE prévoyait également que 7520 Québec achèterait le solde de 20% des actions de Structures toujours détenues par les Meloche lorsqu’ils quitteraient la compagnie.
Pendant la période de transition préalable à la clôture de la vente, il est devenu évident pour les Gardner qu’ils ne pourraient pas travailler avec les Meloche. Ainsi, les Gardner ont décidé d’aller de l’avant avec la transaction prévue, mais de congédier les Meloche dès la signature des contrats. En effet, le jour de la clôture de la vente et de la signature des contrats d’emploi, les Gardner, au nom de Structures, ont annoncé aux Meloche qu’ils étaient congédiés. Les Meloche sont rentrés à l’usine de Structures pour vider leurs bureaux et se sont aperçu que les Gardner avaient déjà fait changer les serrures et informé les employés de leur départ immédiat. Dans les semaines qui ont suivi, conformément au PE, Structures a versé des indemnités de départ de 85 000 $, et 7520 Québec a acheté le solde de 20% des actions de Structures.
Les Meloche ont intenté une action pour congédiement injustifié et abusif, réclamant solidairement à Structures, 7520 Québec et aux Gardner des indemnités de départ de 24 mois ainsi que des dommages moraux et punitifs.
En première instance, les défendeurs ont allégué que Structures a mis fin aux contrats d’emploi pour des motifs sérieux puisque les Meloche ont fait preuve de négligence dans la gestion de la compagnie. La Cour supérieure a conclu que l’existence de divergences d’opinions ne constituait pas de la négligence de la part des Meloche. De plus, pendant la période de transition, les Gardner n’ont jamais fait part de leur insatisfaction aux Meloche. Ainsi, la Cour a conclu que les défendeurs n’avaient pas de motif sérieux pour congédier les Meloche.
En ce qui concerne l’indemnité tenant lieu de délai de congé, la Cour supérieure a conclu que les Meloche n’étaient pas liés par les indemnités prévues aux contrats car ils ne pouvaient renoncer d’avance à recevoir une indemnité de délai de congé raisonnable. La Cour a déterminé qu’un délai de congé de 18 mois, plutôt que 12 mois, était raisonnable. Dans son analyse, la Cour a tenu compte des salaires des Meloche ainsi que des bonis payables en vertu de leurs contrats d’emploi. De plus, en ce qui concerne l’obligation de mitiger leurs dommages en cherchant un autre emploi, la Cour a déterminé qu’en vertu des contrats d’emploi, les Meloche avaient droit à des indemnités de départ de 85 000 $ sans égard à leur obligation de mitiger leurs dommages et, par conséquent, seuls les revenus gagnés par les Meloche durant les 6 mois suivant l’expiration du délai de 12 mois ont été déduits de l’indemnité à payer.
Quant à la question du congédiement abusif, la Cour a conclu que les Gardner auraient dû informer les Meloche avant la clôture de la vente qu’ils ne voulaient pas travailler avec eux. La Cour a jugé que les défendeurs ont agi de façon abusive en permettant aux Meloche de vendre 80 % des actions de Structures sur la foi d’une promesse selon laquelle ils resteraient à l’emploi de la compagnie après la clôture de la vente – un engagement que les Gardner n’entendaient pas respecter.
À cet égard, la Cour a estimé que les défendeurs ont manqué de transparence, que leurs actions ont humilié les Meloche et qu’ils ont causé un préjudice allant au-delà de ce qui découle normalement d’une fin d’emploi. Dans ces circonstances, la Cour a accordé à chacun des Meloche des dommages moraux au montant de 25 000 $. Cependant, la Cour n’a pas octroyé de dommages punitifs.
Finalement, la Cour a jugé que les circonstances abusives de la présente affaire suffisaient pour lever le voile corporatif et à ainsi tenir les Gardner solidairement responsables avec Structures et 7520 Québec du paiement des dommages moraux.
Les défendeurs se sont pourvus contre le jugement de la Cour supérieure de (i) écarter la clause de délai de congé équivalent à 12 mois de salaire; (ii) tenir compte du boni prévu aux contrats d’emploi; (iii) ne pas déduire les revenus d’emploi gagnés pendant la période de délai de congé de 12 mois prévue aux contrats d’emploi; (iv) accorder des dommages moraux; (v) condamner personnellement les Gardner au paiement de tels dommages moraux.
La Cour d’appel a renversé la décision d’accorder à chacun des Meloche le bénéfice d’un boni calculé sur une période de 18 mois, concluant à l’absence de preuve des profits de Structures pendant les années pertinentes.
Toutes les autres conclusions du juge de première instance ont été confirmées. En particulier, en ce qui a trait aux dommages moraux, la Cour d’appel a réitéré que l’obligation de bonne foi inclut l’obligation de transparence et que les appelants avaient agi de mauvaise foi en emmenant les Meloche à conclure la vente sous de fausses représentations, en les congédiant quelques minutes après la clôture de la vente et la signature des contrats d’emploi, et en changeant les serrures du bureau tout en informant les employés du départ immédiat des Meloche. De plus, la Cour d’appel a confirmé la décision de tenir les Gardner responsables avec Structures et 7520 Québec des dommages moraux octroyés en raison de leur comportement abusif.
Cette affaire est un rappel pour les employeurs que l’obligation de bonne foi existe même pendant la phase précontractuelle. Dans ce cas-ci, l’employeur a négocié de mauvaise foi, puisqu’il n’entendait pas préserver l’emploi des employés au-delà de la date de clôture de la vente.
Lorsqu’un employeur abuse de son droit de mettre fin à l’emploi et que le préjudice causé au salarié va au-delà de ce qui résulte normalement d’une cessation d’emploi, l’employeur s’expose à des dommages-intérêts en plus de l’indemnité tenant lieu de préavis raisonnable.
Stephanie Pasternyk, Avocate / Associate, Stikeman Elliott LLP
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