Bien que le notion de harcèlement psychologique et sexuel en milieu de travail ne soit pas une nouvelle notion, elle demeure quand même une qui est d’actualité. Cette notion a fait couler beaucoup d’encre surtout depuis l’introduction de l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail qui a déterminé la définition du harcèlement psychologique en indiquant ses critères.
Cet article établit 5 critères cumulatifs afin de pouvoir qualifier une situation comme du harcèlement psychologique. Il énonce que c’est « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. Cette notion du harcèlement comprend également le harcèlement sexuel. »
La définition du lieu de travail où pourrait exister le harcèlement a été souvent source d’interrogation. Est-ce le lieux physique de l’employeur, est-ce limité aux heures de travail? etc. La jurisprudence est venue à la rescousse pour clarifier que le harcèlement pouvait dépasser les murs de l’employeur et les heures de travail. Ainsi, le harcèlement peut se produire durant un 5 à 7 dans un restaurant, lors d’une retraite d’employés hors de la ville, etc. Avec l’utilisation accrue des équipements technologiques et la présence des médias sociaux dans nos vies, de même qu’avec l’arrivée du télétravail et des communications virtuelles, une nouvelle forme ou source de harcèlement est née : c’est la cyberintimidation. Une attention particulière devrait y être portée.
Le travail n’est plus limité à une cellule de bureau clairement délimitée. Ces limites sont plus ambigües que jamais ce qui vient changer notre perception de l’incivilité et l’intimidation dans le milieu actuel du travail.
La cyberintimidation n’est pas définie dans la loi mais on pourrait la percevoir comme étant un comportement d’intimidation, de menaces, d’humiliation et de harcèlement pouvant avoir lieu par des courriels, des textos, des messages sur les plateformes de médias sociaux, des conversations (« chat ») dans les rencontres virtuelles, ou d’autres équipements électroniques. Elle peut prendre plusieurs formes, comme par exemple : divulguer de l’information personnelle, propager des rumeurs exprimer des propos offensifs, indécents, dénigrants, ou même inciter une personne à le faire.
Afin de déterminer si une telle cyberintimidation est du harcèlement dans un milieu de travail, il faudrait appliquer les 5 critères indiqués à l’article 81.18 de la LNT de façon cumulative. Par conséquent, toute parole négative ou tout comportement inapproprié ne constituerait pas automatiquement du harcèlement psychologique si l’un de ses éléments manquerait. Un commentaire négatif pourrait résulter d’un conflit de personnalité ou peut découler du droit de gestion de l’employeur. Comme l’employeur a une obligation de protéger la santé et la sécurité physique et psychique de l’employé et de lui procurer un environnement de travail exempt de harcèlement, des mesures de prévention seraient de mises. Par exemple, le comportement incivil dans une conversation lors d’une rencontre virtuelle (le « chat ») ne doit pas être toléré car ceci pourrait être un terrain fertile à du harcèlement.
Des commentaires négatifs ou un comportement intimidant est souvent plus facile à dire quand on est derrière un écran ou quand on pense garder l’anonymat. C’est pour cela que l’employeur doit avoir un degré très élevé d’alerte et prendre des mesures préventives pour arrêter ce comportement à la source. Ceci n’est pas une tâche facile car généralement ce genre de comportement est très subtile et né dans des groupes où l’employeur ou ses représentants ne sont pas nécessairement présents. C’est pour cette raison que la diffusion de l’information à ce sujet est très importante pour les employés. L’employeur doit trouver des solutions créatives adaptées à son environnement de travail.
Malheureusement, la plupart du temps, les cas de cyberintimidation sont traités par une indifférence de l’employeur. Celui-ci voit cela comme un acte « banal » qui ne pourrait pas affecter le bien-être de l’employé ou qui n’aura pas de conséquences. Ne pas s’attarder à ses situations, même « banales » pourrait avoir des conséquences sur l’employés et des conséquences financières et organisationnelles pour l’employeur en cas de plainte.
Est-ce que les politiques actuelles sont préparées pour ça? Peut-être pas. Ce serait donc fortement recommandé de réviser la politique contre le harcèlement pour y inclure les cas de cyberintimidation ainsi que diffuser cette information parmi les employés pour qu’ils soient conscients de la tolérance zéro à cet égard et des moyens de dénoncer cette intimidation.
Le droit québécois contient déjà plusieurs éléments nécessaires pour s’attaquer à une telle situation, notamment, la Loi sur les normes du travail (art. 81.18), la Loi sur la santé et la sécurité du travail (art. 51) et la Charte des droit et libertés de la personne (art. 46 et art. 10). Les employeurs peuvent donc utiliser ces outils juridiques disponibles pour le moment afin de faire face à la cyberintimidation et protéger ses employés.
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