Lorsqu’un salarié syndiqué doit régler un problème avec son employeur, son seul issu est à travers son syndicat. Ce dernier déposera en son nom un grief et le processus établi dans la convention collective suivra son cours. Quand la décision du syndicat va à l’encontre de ce que voulait ou espérait le syndiqué, un élément d’insatisfaction est né qui est généralement suivi par une frustration envers le syndicat.
Qu’arrive-t-il si le syndiqué n’est pas satisfait du travail du syndicat et qu’il ne trouve pas qu’il a bien été représenté par celui-ci?
Face au monopole du syndicat de représenter ses membres, l’article 47.2 du Code du travail est venu instituer des balises encadrant l’obligation du syndicat relativement à son devoir de juste représentation. Ceci est dans le but d’établir une certaine protection au salarié qui n’a pas d’autre choix que de recourir à son syndicat pour régler son conflit avec l’employeur. Selon cet article, le syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave. À défaut de quoi, un salarié pourra déposer une plainte au Tribunal administratif du travail (le « Tribunal ») s’il croit qu’à cette occasion le syndicat a contrevenu à son obligation[1].
La mauvaise foi réfère à une conduite frauduleuse ou hostile et elle présuppose que le syndicat a une intention de nuire. Le comportement arbitraire réfère pour sa part au traitement superficiel de la demande d’un salarié, que cela soit volontaire ou non. La discrimination désigne pour sa part le fait de défavoriser un salarié sans que le contexte le justifie. Enfin, la négligence grave renvoie à la commission de faute grossière qu’elle soit ou non accompagnée de l’intention de nuire.[2]
En regardant les jugements rendus dans le cadre de l’article 47.2 C. tr., on peut facilement voir que la preuve de manquement du syndicat n’est pas facile à établir. Le syndiqué a une pente à remonter pour prouver la mauvaise représentation de la part de son syndicat.
Il est à noter que le Tribunal ne va pas statuer sur le grief lui-même (ceci relève de la compétence de l’arbitre)[3] mais va analyser s’il y a eu un manquement de la part du syndicat à son obligation. Si le syndicat démontre avoir entrepris des démarches nécessaires, voire même, des démarches minimales, relativement au grief, celui-ci serait donc déchargé de son obligation.
Selon la jurisprudence, le Tribunal tient compte de différents facteurs :
- la taille du syndicat et les moyens et ressources à sa disposition;
- l’expérience et la formation des représentants syndicaux;
- l’importance du grief et ses conséquences pour le salarié (ex. : perte de l’emploi);
- les chances de succès du grief;
- l’intérêt concurrent des autres salariés dans l’unité de négociation;
- l’absence ou l’insuffisance de collaboration du salarié qui dépose la plainte.[4]
Ces éléments sont souvent ignorés surtout celui du salarié qui ne réalise pas que sa contribution dans le dossier est essentielle. Il est donc important de savoir que le salarié à un autre rôle à jouer et qui est parfois ignoré dans plusieurs cas. Ce facteur est déterminant dans la décision du Tribunal afin de déterminer si l’obligation du syndicat a été accomplie ou pas; c’est celui de la collaboration du salarié dans le dossier. Cette collaboration est la contrepartie de l’obligation de juste représentation du syndicat. Ainsi, le fait de ne pas collaborer avec son syndicat peut entraîner le rejet d’une plainte[5].
Quoique l’année 2023 vient à peine de débuter, la jurisprudence n’a pas manqué de confirmer ce principe[6]. Les décisions de janvier 2023 indiquent qu’il faut différentes preuves pour démontrer le manquement du syndicat tout en réitérant dans certains cas le principe de collaboration de la part du salarié.[7]
L’article 47.2 C. tr. peut apparaître simple et facile au niveau de la preuve mais en réalité, ce n’est pas le cas.
Ceci dit, ce n’est pas automatiquement une cause perdue ou vouée à l’échec, mais le syndiqué doit être conscient de cette réalité et savoir que pour avoir gain de cause dans ce genre de dossier, il aura un bout de chemin à accomplir, soit au niveau de la preuve ou au niveau du degré de sa collaboration.
En conclusion, un syndicat a le devoir d’agir avec diligence et de procéder à une analyse sérieuse des demandes qui lui sont adressées par les salariés qu’il représente. À la lumière de la jurisprudence (passée ou récente), on pourrait dire que le moindre effort effectué suffit. Pour un syndicat, il n’en faut pas beaucoup!
[1] Article 47.3 du Code du travail.
[2] La représentation d’un syndicat : devoir ou obligation? Article par Louise Briand, Vice présidente du secteur universitaire (FP-CSN), 19 décembre 2018
[3] Devoir syndical de juste représentation, publié par le Tribunal administratif du travail
[4] Id.
[5] Id.
[6] 2023 QCTAT 209, 2023 QCTAT 55 et 2023 QCTAT 210 (décision interlocutoire)
[7] Décisions du TAT de 2023
- Quand peu d’effort suffit - January 30, 2023
- A little goes a long way - January 30, 2023
- Une liberté commence, l’autre s’arrête - November 23, 2022
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