On a déjà entendu des expressions tel que « c’est ma vie privée », « ce n’est pas de tes affaires » ou « c’est personnel ». Avant le 6 octobre 2021, l’employeur pouvait facilement et à tête reposée s’arrêter là. Pourrait-il se contenter de s’arrêter là avec les nouvelles modifications de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST)?
Depuis le 6 octobre 2021, l’employeur a désormais l’obligation, selon l’article 51 paragraphe 16 de la LSST, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des travailleurs et travailleuses exposées sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.
En effet, en matière de violence conjugale ou familiale, l’employeur doit prendre ces mesures lorsqu’il « sait » ou « devrait raisonnablement savoir » que le travailleur est exposé à cette violence.
La définition de la violence conjugale est celle qui survient entre deux personnes, liées dans une relation de nature amoureuse, intime ou conjugale. Les personnes peuvent avoir été liées dans le passé ou l’être actuellement. La violence conjugale peut prendre différentes formes et implique une dynamique de contrôle. Quant à la violence familiale, c’est lorsqu’une personne a un comportement abusif dans le but de contrôler ou de faire du tort à un membre de sa famille ou à une personne qu’il ou qu’elle fréquente. La violence familiale peut prendre différentes formes de maltraitance physique et psychologique, ainsi que de la négligence commise par des membres de la famille. (Définition inspirée de la page La violence familiale du site du gouvernement du Canada).[1]
La violence est un problème important qui existe depuis la nuit des temps mais a pris une ampleur en période de pandémie. Les situations d’anxiété, d’isolement et de fragilité économique auxquelles ont fait face les travailleurs et travailleuses a eu comme conséquence d’exacerber les risques de violence conjugale et familiale.
Ce n’est plus un problème qui relève uniquement de la vie personnelle de la victime qui la subit. Elle peut également avoir une incidence sur les différents milieux dans lesquels évolue cette personne, dont celui du travail. Les employeurs et les travailleuses et travailleurs ont tous un rôle à jouer pour la faire cesser sur les lieux de travail.[2]
Cette situation entraîne non seulement des conséquences considérables sur les victimes ainsi que leurs proches, mais elle peut également avoir des répercussions importantes sur les employeurs.[3]
Bien que les situations de violence ne soient pas toujours faciles à détecter, un employeur doit garder un œil ouvert sur certains signes qui pourraient s’avérer comme des drapeaux rouges, tels que : des contusions sur la victime, des comportements de nervosité, d’anxiété ou de fatigue, une baisse dans son rendement, des appels téléphoniques répétés en cachette, des commentaires de certains collègues, des absences sans raisons, etc.
Bien que ces signes puissent être détectables sur les lieux de travail, ils seront beaucoup plus subtils voire non détectables du tout en situation de télétravail. La crise de COVID 19 a eu pour effet d’augmenter le taux de violence conjugale. À cet effet, l’INSPQ est d’avis que le télétravail offre des moyens supplémentaires de contrôle de la victime de violence conjugale et peut interférer avec sa prestation de travail. L’isolement social, la rupture des moyens de communication avec des personnes de l’extérieur ainsi que le manque de possibilité de fuir ne sont que quelques exemples. L’obligation qui incombe à l’employeur en matière de violence conjugale se voit transposer même dans la résidence privée des employés.
L’employeur doit donc prendre les mesures nécessaires lorsqu’il sait ou devrait raisonnablement savoir que l’employée est exposée à cette violence. Quelles sont ses mesures nécessaires? De plus, en télétravail, étant un endroit sur lequel l’employeur n’a aucun contrôle effectif, comment doit-il procéder pour remplir son obligation tout en respectant la notion de vie privée de son employée?
Une seule solution ne serait pas assez. Il faut les multiplier le plus possible et les adapter à la réalité du travail de l’employeur. Plusieurs solutions offertes pourraient augmenter les chances de détection ou de dénonciation ainsi que de s’adapter aux différentes personnalités des travailleurs ou travailleuses. Chaque employée pourrait être plus à l’aise avec une option plus qu’une autre.
Par exemple offrir des programmes d’aide aux employés qui assurent la confidentialité, fournir des formations ou propager l’information du type d’assistance que peut fournir l’employeur, ajouter à la politique contre le harcèlement et la politique sur le télétravail une rubrique propre à la violence conjugale et familiale, etc.
La question qui se pose également est jusqu’où s’étend l’obligation de l’employeur face à une employée qui refuse l’aide ou refuse de parler de sa situation? Une chose est certaine, l’employeur ne pourrait pas obliger l’employé.e à dénoncer. Son obligation de mettre en place des mesures nécessaires viendrait probablement accomplir son obligation de moyen.
Nous verrons ce que la jurisprudence aura à dire dans l’interprétation des ‘mesures nécessaires’ et le critère raisonnable de connaissance.
À suivre!
Cliquez ici pour la version anglaise du billet de blog.
[1] Site de la CNESST : cnesst.gouv.qc.ca : Violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel et prévention
[2] Id.
[3] Carrefourrh.org : Violence conjugale : Nouvelle obligation pour l’employeur (23 février 2022)
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